
De la doctrine et des opinions
Dans un monde de débats, d’échanges, ou de controverses, amplifié par les réseaux sociaux, il est particulièrement important d’être au clair quant à ce que l’on croit et défend. S’il existe des doctrines sur lesquelles nous sommes unanimes, car fondées sur les Écritures et reconnues de tous, il nous faut aussi admettre que, dans plusieurs domaines de la foi, nous sommes confrontés à diverses sensibilités, suivant ce que l’on pense et comprend des textes sacrés voire même de ressentis personnels…
En tant que chrétien, on peut considérer quatre niveaux d’autorité des croyances : les doctrines fondamentales, les doctrines positionnelles, les interprétations, et les opinions. La plupart des déséquilibres et des confrontations inutiles se manifestent lorsqu’on se trompe de catégorie de croyance, prenant une opinion ou une interprétation pour une doctrine.
1) Les doctrines fondamentales :
Les doctrines fondamentales sont des vérités bibliques indiscutées et partagées entre tous. C’est l’enseignement des apôtres :
« Souvenez-vous des choses annoncées d’avance par les saints prophètes, et du commandement du Seigneur et Sauveur, enseigné par vos apôtres… » (2 Pi. 3 :2)
Certaines de ces doctrines ont été formalisées dès les premiers siècles de l’histoire chrétienne, et sont acceptées par à peu près toutes les églises chrétiennes. Elles ont été regroupées au sein de ce qu’on appelle les crédo ou symboles[1]. Ils affirment entre autres : l’existence éternelle de Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, l’inspiration divine et l’infaillibilité des Écritures, la mort et la résurrection de Christ pour le salut des pécheurs…
Il est question-là des vérités les plus essentielles de la foi chrétienne. Nul, se disant chrétien, a fortiori évangélique, ne remettra en cause ces doctrines. Elles sont inconditionnelles.
2) Les doctrines dénominationnelles :
Elles se distinguent du premier groupe par le fait que des chrétiens ou des églises peuvent se retrouver en désaccord à leur sujet, au risque de clivages et de séparation.
Elles peuvent être argumentées et s’appuyer sur un ensemble de textes bibliques. Elles peuvent se revendiquer d’un soutien de l’histoire et notamment des Pères de l’Église ou de la Réforme. Pourtant, elles n’ont pas ce sceau de l’Esprit leur conférant une dimension universelle.
Ces doctrines ont à voir notamment avec le salut, le baptême du Saint-Esprit, l’organisation de l’Église. Elles sont bibliquement étayées, défendues par leurs partisans, critiquées par leurs détracteurs… et incapables de susciter une adhésion globale. Elles ont contribué à la formation des différentes branches et courants du Christianisme, depuis les églises coptes, orthodoxes, luthériennes et ainsi de suite jusqu’aux églises pentecôtistes.
Souvent, leurs partisans les ont intégrées à leur corpus doctrinal fondamental. Elles sont dès lors comme sacralisées, réduisant leur champ de contestation ou même de questionnement. C’est ainsi que toutes les dénominations protestantes et évangéliques ont élaboré ce qu’on appelle des Confessions de foi précisant leurs croyances distinctives[2].
Quand les doctrines dénominationnelles deviennent des doctrines indiscutables et inconciliables, nous faisons face à un risque de déséquilibre.
Il nous faut plutôt admettre avec modestie que, nous, chrétiens évangéliques n’avons pas tous les mêmes grilles de lecture et d’analyse des Écritures. Nous regardons tous au même but, mais pas de la même position ni sous le même angle. Nous ne partageons alors pas les mêmes approches des textes. Cela ne doit certainement pas nous amener à nous traiter les uns les autres d’hérétiques comme il arrive trop souvent. Il nous faut plutôt considérer que, quelle que soit la position, ses partisans ont développé des argumentations bibliques, étayées et cohérentes. Même si je ne les partage pas, réfléchir sur ces approches m’amène à ouvrir mon champ de réflexion sur d’autres perspectives, à exercer mon discernement en vue d’en retirer quelque chose de bon, à ne pas me conforter dans mes positions jusqu’à l’extrémisme, et aussi à les approfondir et les étayer.
3) Les positions doctrinales :
Les positions doctrinales sont des points de vue autour desquels les chrétiens peuvent être en désaccord même au sein des congrégations locales. Pour autant, ils ne devraient jamais se séparer de leur assemblée ni de leurs frères sur de telles questions.
La plupart des débats sur l’eschatologie[3], par exemple, devraient se retrouver dans cette catégorie… Mais il arrive souvent que leurs partisans les plus acharnés en fassent des pierres d’angle de leur foi, au point d’en devenir extrémistes.
Souvent, les positions doctrinales sont basées sur des choix particuliers de lecture et d’analyse des Écritures, lectures littérales, symboliques, futuristes, prétéristes… s’appuyant souvent sur des leaders charismatiques ou auteurs populaires, aptes à répandre leurs idées auprès du grand public.
4) Les opinions :
Enfin, les opinions sont de l’ordre de l’idée ou de l’interprétation personnelle. Si elles s’appuient sur les Écritures, généralement, elles ne respectent pas les règles herméneutiques[4]. Souvent, elles s’enferment dans des interprétations singulières ou n’utilisent que des textes qui, pris isolément ou en les déformant, peuvent soutenir leur point de vue. Il arrive aussi fréquemment que les opinions ne s’appuient sur rien de biblique ou mélangent textes bibliques et toutes sortes de théories affabulatrices, mystiques[5] ou même complotistes.
Paul écrivait déjà en son temps :
« …recommande à certaines personnes de ne pas enseigner d’autres doctrines, et de ne pas s’attacher à des fables et à des généalogies sans fin, qui produisent des discussions plutôt qu’elles n’avancent l’œuvre de Dieu dans la foi. » (1 Ti. 1 :3-4)
« C’est pourquoi reprends-les sévèrement, afin qu’ils aient une foi saine, et qu’ils ne s’attachent pas à des fables judaïques et à des commandements d’hommes qui se détournent de la vérité. » (Tit. 1 :13-14)
C’est évidemment sur ce terrain des opinions, que les déséquilibres sont les plus nombreux. Elles peuvent être à l’origine de blessures profondes dans les cœurs, et même de division dans les églises.
Certes, nous sommes libres de parler de tout, et pourquoi pas de confronter nos idées à d’autres, à condition :
- De ne pas mettre l’autre sous pression ;
- De ne pas croire que son idée est la seule inspirée ;
- De savoir écouter l’autre ;
- De ne pas vouloir mettre un terme à l’échange par des « Dieu m’a dit… »
- De rester respectueux et unis entre frères sans créer aucune division même dans la pensée.
Prenons à cœur et au sérieux la parole de Rm. 14 :1 : « …ne discutez pas sur les opinions. »
Rappelons pour finir les exhortations régulières à la modération des apôtres :
« La sagesse d’en haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, exempte de duplicité, d’hypocrisie. Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui recherchent la paix. » (Jc. 1 :17-18)
[1] Il en existe trois principaux : le Symbole des apôtres, celui de Nicée et celui d’Athanase datant du IVe siècle après J.C..
[2] Pour plus d’informations, consultez https://fr.wikipedia.org/wiki/Confessions_de_foi_chrétiennes_réformées
[3] Dans le domaine de l’eschatologie, il existe ainsi de nombreuses et différentes thèses : l’imminence du retour de Jésus, un enlèvement de l’église préalable ou non à la tribulation…, la réalisation d’un règne millénaire littéral ou non.
[4] On appelle ainsi la science d’interprétation des textes.
[5] Des visions et des révélations personnelles.