Mon cœur et ma chair crient vers toi

Jeûner, mais pour quoi ? Le jeûne biblique se rapporte toujours à la prière. Il s’agit d’une privation temporaire de nourriture, pour retrouver la faim des choses éternelles. Le but du jeûne est précis : toucher la chair en vue de libérer un cri de tout l’être vers Dieu, au sein d’un besoin, un combat : "Mon âme soupire et languit après les parvis de l’Éternel, mon cœur et ma chair poussent des cris vers le Dieu vivant" (Psaume 84,2). Si, pour des raisons de santé, on ne peut jeûner, on peut choisir une abstinence quelconque pendant toute une période : ne pas allumer d’écran, renoncer à tel(s) plaisir(s) – ou simplement différer un repas d’une, deux ou trois heures, afin de prier entre-temps.

Une faiblesse, une lassitude sont ressenties, mais qui augmentent le sentiment de dépendance par rapport à Dieu, et aussi le sentiment que Dieu seul est fort, sage, bon. Attention aux mines défaites, avertit Jésus : le jeûne, c’est d’abord entre Dieu et soi. Cependant, par cette sorte d’affliction qu’il produit, le jeûne aide à retrouver la conscience de la sainteté de Dieu, et une sensibilité plus vive face au péché. Ce n’est pas pour rien que les Juifs jeûnent à Yom Kippour, le Jour des expiations, car Dieu dit pour ce jour-là : "Vous humilierez vos âmes" (Lévitique 16,29).

Mais au-delà des suppliques qu’il appuie, le jeûne est quête du pain du ciel, qui soutient l’âme dans sa marche vers la plénitude de Dieu. "Travaillez non pour la nourriture qui périt, mais pour celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l’homme vous donnera" (Jean 6,27). Le saint est tenaillé par une faim qu’aucun pain de la terre ne peut rassasier. C’est au seuil d’un jeûne de 40 jours que Moïse a reçu un matin la révélation de la bonté de Dieu (Exode 34). Est-ce un hasard s’il écrit un jour dans un Psaume : "Rassasie-nous, au matin, de ta bonté ; et nous chanterons de joie, et nous nous réjouirons pendant tous nos jours" (Psaume 90, 14).

David exprime ainsi le bonheur des croyants: "Tes saints se rassasient de l’abondance de ta maison, et tu les abreuves au torrent de tes délices" (Psaume 36,8). À travers la pratique du jeûne, le Saint-Esprit nous appelle à goûter combien le Seigneur est bon (Psaume 34,8). Ces paroles de Jésus trouvent alors un écho nouveau en nous : "Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre" (Jean 4,34).

Jacques Villegas